Parfois, certains coachs peuvent avoir tendance à davantage se focaliser sur des outils, des grilles d’analyse, des modèles « clefs en main » au détriment de deux principes essentiels que sont  l’écoute et le questionnement. Ces deux actes forment, pour moi, le socle de la pratique du coaching et de la supervision.

Lorsqu’on s’éloigne de l’écoute, on prend le risque de passer à côté de certains enjeux de l’accompagnement de son client. Aujourd’hui, les lieux où nous sommes écoutés de manière inconditionnelle, sans jugement et en profondeur, sont extrêmement rares. Dans notre travail de coaching, nous apportons cet espace à nos clients ; ce qui est très rare et précieux mais insuffisant. A cette écoute, doit s’ajouter le questionnement car ils sont intimement liés. Sans l’écoute, le questionnement n’aurait aucune pertinence. Mais de quel questionnement parle-t-on ? Parler de la qualité du questionnement semble une évidence dans notre métier mais il faut aller plus loin. Au-delà du processus du questionnement (son rythme, le type de questions posées etc.). Je voudrais évoquer ici l’objet même du questionnement, car il diffère selon les approches utilisées que ce soit l’Analyse Transactionnelle ou l’Intervention Systémique Paradoxale.
Vous partager ces fondamentaux de métier est une manière, pour moi, de donner à voir les points d’appui de ma pratique de coach et de superviseur.


Écouter et accueillir

Quand j’écoute mon client, je lui offre l’espace-temps dont il a besoin, je lui donne un cadre sécurisant avec des règles du jeu claires. Je suis présent, en face de lui, avec mon regard, mon attention, la sensibilité de mes émotions et de mes sensations. Dans cette écoute, chacun a son propre style, son rituel d’accueil et de mise au travail. Chaque coach pose la distance qu’il estime nécessaire avec son client. Ce qui se joue alors dans cette interaction ne doit pas être sous-estimé, au contraire, c’est pour moi un révélateur de l’alchimie de la relation. Il est important d’observer ce qui se produit par une position méta.

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Il nous faut rester prudent quant à la signification à donner à ce que nous observons. Écouter son client amène à prendre en compte le ton de sa voix, son débit, ses soupirs, ses gestes aussi, jusqu’au moindre froncement de sourcils. Je crois utile de suspendre son jugement, tout en restant ouvert aux multiples significations comportementales qui se jouent.

Le risque de l’interprétation existe mais ne doit pas nous enfermer dans nos certitudes et rigidifier le cheminement. Les voies possibles sont nombreuses. Que faire par exemple face à un client dont le regard, le visage, la gestuelle trahiraient la peur ? Comment ne pas se laisser envahir jusqu’à être empêché de le questionner librement ? Dans ces situations, je choisis de méta-communiquer. Je parle à voix haute de l’échange en cours, je précise et clarifie l’intention de mon client. Je permets ainsi à la relation de se remettre en mouvement, d’être plus fluide et de retrouver des marges de manœuvre pour poursuivre la séance.

Lorsque j’écoute avec attention le récit de mon client, est-ce que je comprends réellement ce qu’il m’énonce ? Tout comme la confiance passe par l’écoute, la compréhension passe par le questionnement. Pour le comprendre, je le questionne, car aucun de ses mots n’est une évidence. Je suis attentif au contexte dans lequel s’inscrit son histoire. Cette contextualisation est pour moi primordiale et n’est possible uniquement grâce à un questionnement minutieux.


Comment questionner ?

Ce questionnement comporte plusieurs aspects : la forme des questions, leur rythme leur nature et l’objet du questionnement.

Sur la forme par exemple, je peux choisir d’alterner entre des questions ouvertes ou fermées selon ce que je recherche chez mon client ; recueillir de l’information, le faire décider… Je peux aussi influer sur le rythme, laissant plus ou moins d’espace au client pour le laisser réfléchir, s’interroger ; en un mot travailler. N’est-ce pas précisément pour cette raison que nos clients nous sollicitent et que nous facturons notre accompagnement : aider notre client à trouver des marges de manœuvre, lui permettre de trouver, lui-même, de nouvelles options.

Quel va être le rythme du questionnement ? Quel silence lui sera laissé, pour qu’il puisse élaborer, réfléchir, et cheminer vers sa solution (et non la nôtre). L’espace, au sens propre et au figuré, donné à nos clients, demeure bien évidemment spécifique pour chacun d’entre eux.  Il va systémiquement impacter la nature des échanges avec lui, facilitant ou au contraire freinant le succès de l’accompagnement.

L’objet du questionnement va quant à lui, différer très sensiblement selon les approches adoptées par le coach ; qu’elle soit systémique paradoxale, analyse transactionnelle, ou qu’il s’agisse d’une approche orientée solution, PNL, etc. Pour reprendre ces deux méthodes que je choisis pour leur pertinence et leur puissance, l’Analyse Transactionnelle (l’AT) et l’Intervention Systémique Paradoxale (ISP) je travaille différemment sur l’objet du questionnement.

Avec l’AT, je vais m’appuyer sur l’origine des interactions, en fonction de la partie de l’état du moi (Parent, Adulte, Enfant) à partir de laquelle le client s’exprime. Je vais m’intéresser à ses positions de vie préférentielles, je vais émettre des hypothèses sur ce qu’il me dit et rebondir avec lui dans un cheminement aux divers embranchements, pour arriver à définir un contrat clair. Pour atteindre cet objectif, je serai attentif aux drivers que j’observe lorsque mon client me parle, afin d’en déduire par exemple ses positions les plus probables dans un triangle dramatique. Je serai aussi amené à nourrir mon client en signe de reconnaissance conditionnels, inconditionnels ; lui apprendre à en être conscient pour lui et les autres etc…

En revanche, lorsque je travaille avec l’ISP, l’objet de mon questionnement va être totalement différent. Avec cette approche, je questionne mon client de façon très précise afin de définir « le problème », c’est-à-dire le comportement non satisfaisant qu’il souhaite changer chez lui ou chez autrui. Je vais donc questionner, de façon chirurgicale, le contexte dans lequel ce comportement se produit. Pour réaliser ce décodage systémique, je vais décrire méthodiquement les boucles d’interaction entre mon client et les personnes présentes dans le système d’interaction avec lui, y compris ce qu’il se dit à lui-même ou ce qu’il me dit à moi en tant que coach ; ceci sans m’intéresser à sa psychologie.

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Avec cette technique, c’est la vision du monde de mon client en général, que j’interroge, c’est à dire la façon dont il parle du monde, tel qu’il le ressent, le voit, l’entend etc. Je questionne également sa vision du problème, pour d’une part, le rejoindre sans le heurter, et d’autre part, être capable de lui prescrire des actions à faire ou ne pas faire, et pouvoir ainsi l’aider à arrêter les tentatives de solutions. Ces Tentatives De Solutions (TDS), sont des actions déjà tentées pour supprimer le problème mais qui, en fait, contribuent à le maintenir. Puisque l’approche est systémique, le contexte dans lequel se produit « le problème » au sens « Palo Altien », est crucial et doit être sans cesse approfondi, interrogé. Le questionnement ici ne doit pas aller, ni implicitement, ni explicitement, dans le sens des tentatives de solution évoquées par notre client. Nous voyons donc ici que l’intention et le contenu du questionnement du client, va beaucoup différer selon le modèle utilisé par le coach.

Lorsque je supervise des coachs, il arrive parfois que certains se plaignent de la « résistance » du client face à certaines pratiques, comme celle de l’Analyse Transactionnelle. Effectivement, l’AT, invite parfois à confronter, c’est-à-dire à mettre le client devant ses responsabilités, voire ses contradictions, selon une procédure très précise et en fonction du contrat préalablement verbalisé avec le client.


La « résistance » du client

En approche systémique paradoxale, il n’y a point de confrontation devant cette « résistance ». Elle est considérée comme une qualité émergente du système d’interactions entre le coach et son client. Cette « résistance » aux changements nous permet, en tant que coach, de nous interroger sur plusieurs points. Par exemple, la façon dont nous avons pris en considération la vision du monde de notre client, ou le rythme que nous imprimons dans notre questionnement, ou encore la liberté réelle que nous laissons au client (de régler ou non le problème qu’il nous apporte). Mais nous devons également nous questionner sur la plus ou moins grande proximité du client avec son point d’équilibre. Plus le client est proche de son point d’équilibre, moins il est enclin à vouloir modifier la situation qui pourtant semble ne pas lui convenir. Le client considère tout compte fait que les inconvénients à résoudre son problème, sont supérieurs au statuquo. 

Évidemment cela doit nous interroger sur nos intentions en tant que coach. Quelle est notre capacité à ne pas rentrer dans la toute-puissance de vouloir absolument que notre client résolve « son problème » ? Grâce à notre travail de questionnement, ou à tout autre événement que nous ne connaissons pas, sa perception a pu évoluer et ne nécessite plus d’actions de changement. Ce n’est pas à nous de vouloir résoudre. Nous devons mettre les conditions en place pour que notre client résolve lui-même sa difficulté, toujours au grès de son cheminement, que ce soit dans ou hors de nos séances de coaching. Il est souhaitable de réévaluer très régulièrement l’évolution de ce point d’équilibre.

Cette posture, de non vouloir pour le client, nécessite, pour le coach, d’être « bien dans ses baskets », d’avoir une bonne estime de soi et d’être convaincu que le client sait ce qui est bon pour lui. Si un coach se sent remis en cause, bouleversé, il aura du mal à écouter son client, à l’accueillir. Cette estime de soi fait partie intrinsèque de l’hygiène de vie du coach, elle se travaille en amont et se cultive tout le temps. Elle peut pour chacun d’entre nous, être chahutée de temps à autres par les vicissitudes de la vie. Il faut alors être attentif aux signaux d’alerte, potentiellement différents chez chacun de nous, qui peuvent nous prévenir qu’il est temps de prendre soin de soi pour prendre soin de son client. A titre d’exemple ces signaux peuvent être une recherche « désespérée » de reconnaissance chez son client, envahir l’espace de paroles versus se taire et laisser à son client un espace de réflexion et de vide nécessaire à l’élaboration de sa pensée.

Je reviens sur le fait que la qualité de l’accueil du client par le coach, dépend fortement de sa capacité d’écoute et d’acceptation la plus inconditionnelle possible de son client. Or sans une bonne estime de soi, le coach aura peu de chance de créer cette relation de confiance, indispensable à une relation efficace de travail. Il me semble primordial que le coach puisse rester vigilant sur les conditions qui permettent de créer cet espace d’échange sécurisant et valorisant pour ses clients. Ces conditions facilitent l’échange d’une façon générale et la qualité du questionnement, l’autre composante de l’efficacité d’un coaching bien au-delà des modèles et grilles d’analyse si pertinentes soient elles.